Célimène

 

Conte de fée pour fille d’immigrante

 

« À Pik Rose vivait la plus jolie demoiselle aux cheveux crépus et au teint cuivré. Elle s’appelait Célimène. Elle habitait une maisonnette aux murs blanchis à la chaux où se réfléchissaient le ciel indigo et les montagnes turquoises de son pays natal.

La maisonnette de Célimène, entourée de flamboyants, de fougères et de cocotiers, se dressait au sommet d’une colline escarpée. Elle demeurait dans les deux pièces de ce logis avec son jeune frère et rondouillard. C’était le garçon le plus fort et le plus gentil que Célimène n’eut jamais connu.

Leur parents étaient morts à l’époque où Mo s’apprêtait à quitter Pik Rose pour s’aventurer dans le monde et voler de ses propres ailes. Mo n’avait pu se résoudre à abandonner Célimène parce qu’il avait promis à ses parents de prendre soin d’elle.»

 

ADRIEN. - Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturellement, tu es venu vers la maison où sont tes racines; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie et bientôt tu pourras retourner en Algérie, au bon soleil de l’Algérie. Et ce temps d’incertitude dans laquelle nous sommes tous, tu l’auras traversé ici, dans la sécurité de cette maison.

MATHILDE. - Mes racines? Quelles racines? Je ne suis pas une salade; j’ai des pieds et ils ne sont pas faits  pour s’enfoncer dans le sol.

Le Retour au désert - Bernard-Marie Koltès

 

Le conte ressemble à ces graines enfermées hermétiquement pendant des millénaires dans les chambres des pyramides, et qui ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur pouvoir germinatif.

Le Conteur - Réflexions sur l ‘oeuvre de Nicolas Leskov Walter Benjamin

 

 À l’âge de douze ans, Edwidge Danticat doit quitter brutalement le quartier Bel Air de Port au Prince, pour rejoindre ses parents aux États-Unis. Il s’agit de fuir une dictature, une guerre silencieuse, Duvalier, père et fils (1957-1986), et autres tontons macoutes. Elle laisse derrière elle une partie de sa famille et, avec elle, une part d’elle-même. Toute son oeuvre est pétrie de cette expérience. Sans sourciller, elle écrit pour questionner les multiples temps de l’immigration, du déplacement, du déracinement. Elle écrit comme si elle était en pleine mer, pour reprendre une expression d’Albert Camus, issue de son discours à la réception du Prix Nobel. « Tout artiste est embarqué dans la galère de son temps. Nous sommes en pleine mer. L’artiste, comme les autres, doit ramer à son tour, sans mourir, s’il le peut, c’est à dire en continuant de vivre et de créer ».

 Célimène est un vieux conte traditionnel haïtien que lui racontait sa grand-mère. C’est une histoire d’amour, de mariage, de jolie fille, de prince charmant, des obstacles que rencontrent les deux aimés et d’une fin heureuse; tous les ressorts du conte de fée. Mais il est aussi question du pays natal que l’on quitte, du pays d’accueil et son hostilité (ici symbolisé par la présence d’un anaconda qui prend beaucoup de place), et des sortilèges dont fera preuve la migrante pour survivre et aimer sa nouvelle terre. Il s’agit donc bien, comme le sous-titre l’auteur, d’un «conte de fée pour fille d’immigrante». A travers l’histoire de Célimène et de son frère cadet Mo, elle prend comme point de départ, son parcours personnel, son histoire familiale, entremêlée dans la grande Histoire qui a fait de d’Haïti la première République noire, en 1804 mais aussi ce pays ravagé par la pauvreté et frappé par un séisme de magnitude 7.0 il y a dix ans.

 Tout est question de résilience, et devant de tels tremblements, de grands bouleversements intimes, elle donne la voix à la complexité du parcours intime de celles qui traversent l’existence et le monde avec une multitudes de ports d’attaches, une pluralité de modèles et de valeurs parfois antagonistes mais toujours complémentaires. Le parcours initiatique de Célimène,  véritable héroïne, renvoie à ces vies d’immigrante où l’équilibre ne se trouve que dans la faculté à s’adapter à toute nouveauté; l’équilibre ne se trouve qu’en introduisant l’invention dans l’existence, comme dirait Frantz Fanon.

 Edwidge Danticat s’est toujours revendiquée comme une une écrivaine de la « dyaspora » (dispora en français) et dès la publication de ses premiers livres aux États-Unis, elle écrit dans une langue qui n’est pas la sienne. Dans son essai, Créer dangereusement, elle y exprime sa difficulté à dire «mon pays» en parlant d’Haïti: «Mon pays est celui de l’incertitude. Quand je dis «mon pays» à des Haïtiens, ils pensent que je parle des États-Unis. Quand je dis «mon pays» à des américains, ils pensent que c’est Haïti ». Dilemme qui renvoie sans cesse au partage entre deux mondes, deux cultures, deux langues. Doit-on nécessairement être originaire de quelque part? Edwidge Danticat est-elle une écrivaine haïtienne ou nord américaine?

 “Créer dangereusement, pour ceux qui lisent dangereusement. Voilà ce qu’a toujours signifié pour moi être écrivain. Écrire, c’est savoir que, même si vos mots peuvent paraître ordinaires, un jour, quelque part, quelqu’un peut risquer sa vie en les lisant”, affirme Danticat. Pour elle, l’artiste ou écrivain immigrant semble être le bouc émissaire de l’Histoire. Il se retrouve parfois l’héritier d’une vaste armée de morts, d’exécutions, de révoltes réprimées dans le sang, de vexations, de courage hors du commun. C’est en partie pour cette raison qu’il est qualifié d’ “artiste immigrant à l’œuvre”. Ce dernier est sans cesse en prise avec sa condition : “L’immigrante artiste, ou l’artiste immigrante, ne peut que s’interroger sur les morts qui l’ont amenée ici et celles qui l’y maintiennent”.

 

Lien teaser

Presse : Célimène, Création, conte de fée pour fille d’immigrante. Médiapart

 

 

 

 

Célimène

Conte de fée pour fille d’immigrante

 

de Édwidge Danticat

Traduction Stanley Péan

 

 

Mise en scène et scénographie

Philip Boulay

 

Adaptation

 Philip Boulay et Albertine M. Itela

 

Avec

Albertine M. Itela

 

Conseillère chant

Sheliya Masry

 

Création Lumières

 Stéphane Loirat

 

Création sonore

 Jean-François Domingues

 

Administration de production

 Jean-Christophe Boissonnade, assisté de Kraft Productions.

 

Captation vidéo

Camille Robert

 

Production

Wor(l)ds…Cie.

 

 Coproduction

 Théâtre du Beauvaisis, scène nationale de Brauvais, Studios 21bis de Kinshasa.

Avec le soutien

de la Ville de Paris (Aide à la création).

Avec le concours

de la Ville du Pré Saint-Gervais, du Théâtre Le Local, Paris  (résidence de création)

Remerciements

Ramcy Kabuya et Waza - Centre d’Art de Lubumbashi (République Démocratique du Congo), Edwidge Danticat, Jemma McDonagh / Marsh Agency (Londres), Rodney Saint Eloi (Montréal), Joséphine Itela (Montréal), Patricia Cano (Toronto), Aïssatou Angela Balde, William, Élyna et Sully.

 

 

Théâtre Le Local, Paris. Du 19 au 29 mars 2021.

 

Représentations reportées (Covid 19).

 

Rencontres professionnelles les 26, 27 et 29 mars 2021.

 

Théâtre Le Local, Paris. Du 1er au 18 octobre 2021.

 

Théâtre du Beauvaisis, Scène nationale de Beauvais. Du 3 au 8 avril 2023

 

La P’tite Criée, Le Pré Saint-Gervais Du 13 au 14 avril avril 2023

 

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