Démon(s) aux anges d’Elsa Solal

Il est question du rapport au manque, aux sans (sans abri, sans racines, sans emplois…). Armor se terminait sur un monde dévasté, celui dont nous avons hérité. Démons commence sur un paysage abandonné. Ici, les personnages se débattent avec les fables qui les ont mis au monde… Ils sont menacés par une fracture qui court sous leurs pieds mais ils sautent avec gaieté. La pièce nous conduit – l’ange est de la partie – vers le chant, chant qui flirte avec le cri.

Renée. -  (…) La Bastille a été prise de l’extérieur, mais il en avait ruiné les murs de l’intérieur, sans même s’être servi d’une lime. Sa seule force avait effondré la prison. S’il ne s’échappait pas de ce débris, ce n’est que par libre choix d’y rester. (…) Donatien, plutôt que de rechercher la futilité du plaisir charnel évanoui sitôt que goûté, essayait de construire une impérissable cathédrale du vice. Il essayait de soumettre ce monde à un véritable code du mal au lieu d’y commettre simplement des crimes ou de mauvaises actions, car il aime moins les actes que les principes, moins les nuits voluptueuses qu’une nuit si vaste qu’elle puisse recouvrir l’éternité, moins les esclaves du fouet que le royaume de la fustigation. Sa manie de détruire est devenue passion de créer. Quelque chose d’indescriptible, mais qui est inné chez lui, a donné naissance à de transparentes formes du mal, à une pure cristallisation du mal. Le monde où nous sommes en train de vivre, ma mère, est un monde créé par le marquis de Sade. »

C1. – Mon programme : prendre un riche, un bienheureux qui sait d’où il vient et ce qu’il possède. Qui a tout : voiture, toit, travail, une épouse, des vacances, une maîtresse, un avenir, un lieu de naissance, des enfants, une carrière, et du pouvoir. Un homme POLITIQUE. Une fois par mois, on instaure un roulement. Il dort à ma place dans le terrier, il ne possède plus que son rien. Humilié, même pas de papier pour se souvenir de son nom et, surtout il ne peut plus consommer, ni dépenser, hé ! hé ! Plus de religion. Il est hors la loi partout par définition. Il se bat pour un coin de trottoir, etc. Il demande pour tout, une autorisation et doit justifier jusqu’à sa respiration, etc. Désormais rien ne se fait simplement, une vie de hamster quoi. La moindre miette il se la garde, se la remâche. Puis le hamster rentre à la maison, retrouve sa vie, le bureau, là c’est un rêve. Il est homme à nouveau. Là il ouvre ses dossiers, il peut décider à la mesure de la dignité des hommes et des hamsters qu’il connaît. Il serait un peu moins rat. Alors ?! Hein ? C’est une idée de formation, dis hein ?

C2. – Un ducat que c’est un rat ! Il sera pire qu’avant.

©  Philiip Boulay Wor(l)ds... Cie. Website 2024