Encore un « Shakespeare » ? Sûrement pas !

Who’s there ? Qui va là ?

Voici une variation inattendue et vraiment pas sérieuse (en apparence…) de la célèbre Tragédie du jeune Prince du Danemark.

Ici, 7 clowns finlandais tentent joyeusement de saisir un être de fiction. Ils y parviennent d’une drôle de façon, étrangement inquiétante parce pleinement humaine.

Les voilà donc sans complexe s’emparant de la complexité de l’œuvre et de la dramaturgie shakespearienne. Ils mettent leur vie d’acteurs en jeu : chaque acte, chaque parole apparaît pour la première et unique fois devant le public. Le spectacle, né d’un travail acharné d’improvisations, est chaque soir différent.

D’Hamlet, il nous reste les épisodes les plus importants ; Claudius, Ophélie ou les autres sont là. Mais avec leur nez rouge, on voit des acteurs qui, avec la pièce, en dialogue avec elle, s’interrogent sur ce qui les secoue et les font vivre. Non pas ce qui leur parle mais ce qui « les » parle. Désarrois ou solitude, amour ou désir, haine de soi, lien social ou politique, tout se traduit par un état paradoxal dans lequel ils sont, qu’ils le veuillent ou pas, frères d’esprit et de sang de leur compagnon Hamlet, ou de leur ancêtre, Yorik. Ils ont en commun avec Shakespeare d’être, quelles que soient les complications, de bons stratèges de la scène… On pourrait dire qu’ils font office de transcripteurs de la pièce comme le sont, dans la fameuse scène, les comédiens vis à vis de la cour réunie pour jouer la « vraie histoire ».

Mais ici, il ne s’agit pas d’une longue tragédie de la vengeance : il n’y a pas de film à suspense. Le vieil Hamlet, le roi assassiné, était lui-même un assassin… Dans un monde où tous les spectres, morts ou vivants, accomplissent toujours la même action vengeresse ou exigent depuis la tombe que leurs descendants l’accomplissent à leur tour, toutes les voix sont interchangeables. On ne sait jamais avec certitude quel spectre (quel clown) s’adresse à quel autre… En réalité, sur cette scène, chacun, avec son nez rouge sur le pif, est Hamlet. Un chœur d’Hamlet.

Un Clown est toujours en crise… avec « le Temps », en particulier avec celui dans lequel il « est ».  Passé le rideau rouge, c’est comme s’il mourrait. Les loupiotes s’éteignent et avec elles, une petite flamme de vie. Pour un clown, sortir de scène est le comble du malaise. Ici donc, même la dimension de l’angoisse affleure et fait rire – ou pas – de façon drue, « cathartique ». « Temps disloqué », « Time is out of joint ». Avec le nez rouge, l’expression est rendue pleine et évidente ; ce qui se passe en réalité dans la pièce est sous nos yeux.

Conscient qu’à tous moments, pour ne pas s’exclure de la société des spectateurs qui sont venus pour rire, le clown doit choisir, là, maintenant, vraiment de faire rire – ou pas !

Hamlet est  par excellence la pièce du jeu, du jeu et de l’écriture, du jeu de l’écriture.

Peut-être est-ce pour cela que les 7 clowns se jouent d’elle au point qu’elle en devienne presque injouable tant ils la mettent en pièces.

Vidéo

Un Hamlet. Rire – ou pas ?

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