The Night just before the forests

Une nuit américaine

 

Une « langue étrangère » en dialogue avec la « langue maternelle incompréhensible ».

 

Koltès considère la Nuit comme étant sa première pièce de théâtre. Pourtant à l’opposé des textes qui le précèdent, celui-ci ne souscrit à aucune forme dramatique, pas même à celle du monologue classique. Clos entre deux guillemets, il se présente comme une citation de source inconnue, dont l’énonciation sur scène advient comme un appel à un corpus pourtant irrécupérable. L’inachèvement irréductible de cet appel interdit par le même biais toute dimension spectaculaire de la scène et déchire l’espace visible du théâtre. La force génératrice de son énonciation réside, pour la même raison, dans le refus de « dire » et dans l’urgence, et peut-être aussi le désir, de se réinventer sans cesse. Langue étrangère à elle-même, nous le savons, cette parole se veut aussi étrangère à la langue française qu’elle emprunte et qui se voit à son tour désarticulée, comme l’écrivain aimait à le souligner :

 

« Je trouve que le rapport que peut avoir un homme avec une langue étrangère – tandis qu’il garde au fond de lui une langue “maternelle” que personne ne comprend – est un des plus beaux rapports qu’on puisse établir avec le langage; et c’est peut-être aussi celui qui ressemble le plus au rapport de l’écrivain avec les mots. »

 

L’écriture Koltèsienne, ainsi engendrée pour la première fois par la Nuit, est elle même une « langue étrangère » en dialogue avec la « langue maternelle incompréhensible » de l’écrivain. Pour un traducteur, il s’agit de prendre ces axiomes à la lettre. L’enjeu de cette nouvelle traduction de la Nuit réside, contrairement à celles qui ont précédé, à faire translitérer dans une nouvelle langue non pas une diction française, ni même un langage de rue, d’argot, ou encore celui de l’« opprimé », mais ce qui dans le texte d’origine résiste à toute forme d’articulation prescrite par la langue française préétablie. Il y donc appel à traduire en vérité ce qui résiste à la parole reçue de toute langue, pour rendre compte de ce qui dans la singulière voix de Koltès était toujours déjà étranger. Il faut transférer d’une langue à une autre non pas une résonance linguistique ou culturelle, mais un souffle, un rythme, ainsi que la résonance de ces centaines de mots dont les répétitions précises et singulières dans le texte d’origine ébranlaient déjà toute évidence sémantique, en raison d’un tempo, d’une variation, et d’un jeu que l’auteur disait avoir emprunté aux fugues de Bach.

 

La langue américaine est prédisposée à la violence et à cette étrangeté que Koltès cherchait à infiltrer dans le français. Langue fluide, celle-là a toujours été en guerre avec l’anglais enraciné dans la tradition continentale. Cette traduction américaine cherche ainsi à faire entendre la violence rythmée de la parole de Koltès dans une langue qui s’y prête singulièrement : langue en mouvance dans un territoire, celui d’Atlanta, meurtri par son histoire et transporté par cette même allure qui fît naitre le jazz, le gospel, et le blues.

Amin Erfani

 

 

The Night Just Before The Forests (extraits, 30min)

Une Nuit rageusement américain, Républicain Lorrain, le 19 octobre 2012. Gaël Calvez.

 

 

 

The Night just before the forests

Une nuit américaine

 

Bernard-Marie Koltès

Spectacle en langue anglaise (américaine)

 

 

 

 

 

Mise en scène

Philip Boulay

 

Avec la collaboration artistique de

Amin Erfani

 

Vidéos, lumières, son

Jean-François Domingues

 

Avec

Isma’il Ibn Conner

 

Coproduction

Wor(l)ds…cie, Biennale Bernard-Marie Koltès 2012, Metz.

 

Avec les soutiens

Services Culturels du Consulat de France à Atlanta, Emory University d’Atlanta - Département Français et Italien, le Fonds FACE – French American Cultural Exchange et de l’Institut Français.

 

Remerciements à

François Koltès, l’équipe du 7Stages d’Atlanta (US Koltès Project), Nicole Birmann, Carole Scipion, Marie Raymond, Association Quai-Est.

 

Photographie

Giovanni Ambrosio

 

 

Biennale Koltès de Metz, du 15 au 18 octobre 2012

Université de Lorraine/Nancy, le 15 octobre 2012

Espace Molière/Talange, le 16 octobre 2012

Théâtre du Saulcy, scène conventionnée de Metz, le 18 octobre 2012

Georgestown University, Whasington DC - USA, du 14 au 17 mars 2013

 

Lecture publiques en avant-premières aux États-Unis:

Du 15 au 25 février 2011 au Harland Cinema,

Emory University, Atlanta

Du 29 au 30 janvier 2012, Université de Floride, Miami

 

 

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