Armor d'Elsa Solal

Merlin. – D’où vient que depuis des siècles le feu n’ait jamais cessé de brûler ? Quoi de plus mystérieux que la terre de l’aube, l’existence qui se révèle par là même où elle se détruit ? J’aime à contempler cet instant où le tombeau des ténèbres devient berceau de la clarté, ce drame qui ne cesse de se jouer sans jamais se répéter lorsque s’éteint la nuit en allumant le jour. J’aime cette palpitation du ciel qui enflamme, cet instant disons. Ici vivent les êtres de légende, les bannis, les insupportables rejets de notre imagination, bêtes qui effraient, formes ignorées qui se terrent dans les taillis touffus de nos esprits. C’est ici dans ces bois, grottes, roche bloc violet de granit dur, verdure trouée par une clairière, lande aux genêts d’or, rosée de bruyères, lac d’airain, fougères et au lointain la vague océane, l’entre-deux Bretagne. C’est ici qu’un jour j’arrive sur la terre au gré des siècles.

« Historiquement, Armor mis en scène par Philip Boulay est le premier spectacle qui ait été choisi pour la programmation du Théâtre Gérard Philipe au moment de mon entrée en fonction. Comme un spectacle - manifeste. Il y a chez Philip un goût prononcé et impossible à dissimuler pour l’acteur d’une part et le public de l’autre. Tout son corps et son travail sont tendus par la perfection de la mise en relation de l’un et de l’autre. C’est à cet endroit - là que se joue son théâtre. Il est un vrai directeur d’acteurs avec la douceur et l’exigence requises. Il est étonnamment discret, fait peu de tapage mais réussit sans peine à faire entendre une petite musique bien à lui issue du frottement produit entre les acteurs et le texte qu’il place au centre de son travail, comme un trésor à révéler. »

Stanislas Nordey

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